Une nouvelle page d’histoire

Nous le savons, les civilisations aussi sont mortelles et vivent le déclin de leurs formes avant de fertiliser un renouveau ici ou ailleurs. Elles laissent des traces architecturales plus ou moins grandioses et pérennes, grâce auxquelles elles s’inscrivent dans l’histoire et fournissent des repères durables aux civilisations suivantes.

72 ans après la Libération : une page d’histoire se tourne

Cet épisode électoral intervient 72 ans, presque jour pour jour, après la Libération. Or 72 ans marquent un passage remarquable dans la cyclicité astrologique : cela correspond à 1 degré (sur 360) d’une grande année ou ère astrologique. Il est donc normal qu’intervienne sinon un saut quantique du moins un véritable tournant politique.

A la Libération la France a connu un renouvellement d’envergure : les anciennes élites déconsidérées par la collaboration ont été balayées par un personnel politique nouveau issu de la minorité active de la Résistance. Une politique pensée et préparée par le travail novateur du Conseil National de la Résistance et intitulée « les jours heureux » est mise en œuvre, par une chambre issue pour la première fois du vote de femmes, et composée de trois partis dominants : le parti communiste, le MRP du général de Gaulle et la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière, ancêtre du parti socialiste). Le système de solidarité à la française en est issu avec la mise en place de la sécurité sociale, et des retraites. Au niveau politique c’est la libération de la presse des intérêts privés, et l’avènement de la notion de services publics par la nationalisation des principaux pôles de production et de service. De Gaulle échoue à l’époque à se débarrasser du régime des partis et à imposer une constitution avec un pouvoir exécutif fort. Il se retire début 1946 et la Quatrième République nait fin 46 dans la foulée. Elle affirme solennellement dans son préambule, outre la Déclaration de 1789, la garantie aux femmes de droits égaux à ceux des hommes et le droit des réfugiés à trouver asile sur le territoire de la République. De Gaulle, de retour au pouvoir en 1958, suite au conflit algérien et à un coup d’état, a pu parachever ce qu’il n’avait pas pu réaliser à la Libération : le changement des institutions avec l’avènement d’un pouvoir exécutif et présidentiel fort, prédominant sur le législatif. La Cinquième République était née.

Nous avons vécu jusqu’alors dans l’élan de ce renouveau d’après-guerre qui a fini par s’essouffler sous les coups de butoir de la mondialisation, des lois du marché et de la financiarisation de l’économie. A l’image de de Gaulle résistant à une Europe américanisée (sortie de l’OTAN, méfiance à l’égard du Royaume-Uni sous-marin des Américains), les générations fortes issues de la guerre se sont effacées graduellement, non sans nous alerter comme Stéphane Hessel par son opuscule : Indignez-vous ! Hessel repose maintenant avec ses frères et sœurs dans la mémoire glorifiée et « panthéonisée » des martyrs de la Résistance, leurs voix puissantes se sont tues, sans que l’on mesure réellement ce qu’on leur doit. Les générations suivantes, du baby boom, biberonnées à la croissance des Trente glorieuses et repues par la consommation arrivent à la retraite, jouissant naturellement des apports sociaux et politique de leurs ainés. Tous s’accrochent aux acquis sans penser que d’autres sortes d’émancipation sont nécessaires et impliquent de nouvelles luttes. Il aura fallu la crise de 2008 pour conscientiser l’ampleur de la crise mondiale en cours et ses origines : les défis des deux grandes Guerres mondiales de 1914 à 1945 touchaient à la liberté, à travers les régimes fascistes qu’il a fallu combattre. Les défis actuels touchent à l’équité (ou égalité) et à la solidarité (ou fraternité), car le système économique mondial concentre les richesses dans les mains d’une minorité, et maintient dans la pauvreté et l’asservissement la majorité de la population mondiale. Last but nos least : l’exploitation effrénée de la planète par le capitalisme mondialisé met en péril la survie même de l’humanité.

Le social libéralisme aspiré par l’économique

Les acquis du programme du CNR ont été peu à peu grignotés, comme le dénonçait Stéphane Hessel. Le modèle social français touche à sa fin et la Grèce à genoux nous rappelle combien l’Europe actuelle soumet tous ses états membres aux normes du marché, c’est-à-dire à la compétition sauvage et la domination des puissances d’argent, même si, à la marge, elle essaie d’adoucir les excès.

Pourtant, au-delà de la France, les 44 états alliés contre le fascisme s’étaient engagés, dans la Déclaration de Philadelphie du 10 mai 1944, à mettre la justice sociale au cœur des politiques nationales et internationales. Défendant le principe que « le travail n’est pas une marchandise » et que « la pauvreté, où qu’elle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous », cette déclaration ajoute : « Tous les êtres humains, quels que soient leur race, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales ; la réalisation des conditions permettant d’aboutir à ce résultat doit constituer le but central de toute politique nationale et internationale». Dans ce prolongement les accords de Bretton woods de juillet 44 fixaient des règles financières et monétaires pour assurer la stabilité du monde.*
La justice sociale n’est plus la préoccupation des pays riches : le social libéralisme a été entièrement aspiré par l’économique.

* Note : Article de Laurent Mauduit dans Médiapart du 28 juin 2017: « Les 40 ans de dérégulation qui ont mis le code du travail en miettes ».

En France qui se préoccupe de justice sociale ?

Les deux principaux partis préoccupés de justice sociale sont issus de la séparation de l’Internationale socialiste au congrès de Tour en 1920 : le parti communiste et la SFIO devenu, au congrès d’Epinay de 1971, le parti socialiste. Après avoir dominé toute les expressions de la gauche au 20ème siècle et après avoir gouverné ensemble à plusieurs reprises (Front populaire ; après la Libération ; en 1981 avec Mitterrand et le programme commun ; et de 1997 à 2002 avec la gauche plurielle de Lionel Jospin), ils sont exsangues.

La gauche lentement et surement s’est convertie à l’économie de marché et a fini par glisser vers le centre jusqu’à rejoindre la droite libérale. Ayant perdu son âme, le cœur de son projet fondateur, elle a été balayée en 2017 comme en 2002, par le même épouvantail, qui s’était paré des habits d’un autre sexe. Mais le travestissement n’a pas fait illusion longtemps : juste le temps de bénéficier à celui qui avait su se hisser au deuxième tour en se présentant comme le barrage naturel aux extrêmes, et en se parant des vertus de la jeunesse et du renouveau. Ayant compris avant tout le monde, au sein d’un gouvernement qui n’avait de gauche que le nom, qu’un vaste mouvement libéral faisait consensus parmi l’oligarchie politique et économique, il n’a eu qu’à mettre un coup de pied dans la fourmilière et à ramasser la donne !

En guise de révolution, une mondialisation en marche !

Nous aurions pu nous attendre en ce 72ème anniversaire de la Libération à un véritable changement de République. Mais c’est un changement en trompe l’œil qui est intervenu : à la place d’un président de la République déconsidéré pour ne pas avoir mené la politique de gauche annoncée, a été élu son ancien conseiller, Emmanuel Macron, à l’origine des principales mesures qui ont discrédité son quinquennat : la soumission à la politique européenne de rigueur, le CICE pour les entreprises, et la loi Travail. Certes le personnel politique a été renouvelé (de toutes les façons il l’aurait été de par l’entrée en vigueur de la loi de non cumul des mandats) mais, au niveau du gouvernement, il recycle d’anciens personnels politiques de différents bords (centre, gauche et droite), et au niveau de l’Assemblée, il fait entrer des membres de la société civile, véritables « happy few » de la mondialisation heureuse. Ils ont été choisis par le président et son équipe, selon des critères répondant plus à des algorithmes de réussite en entreprise qu’à des compétences politiques réelles. Ils sont bienveillants et constructifs, ils sont à parité, voilà au moins des avancées ! Mais bienveillants et constructifs à l’égard de quelle politique ? C’est la seule question à se poser. Soyons observateurs et vigilants !
Méfiants jusqu’alors à l’égard de l’Europe dont ils ont rejeté le projet de traité proposant une constitution en 2005, sans être suivis par leurs dirigeants, tous bords confondus (rappelons-nous Sarkozy et Hollande paradant en couverture de Paris Match pour faire la pub du « Oui » à l’Europe), les Français se seraient-ils subitement convertis à elle ? Une Europe qui protège assurément, mais les 15 % du corps électoral qui représentent une majorité absolue à l’Assemblée nationale sont plus des tenants de l’ouverture et de la flexibilité que de la protection…

Ce que les Américains n’ont pas réussi à la Libération, américaniser l’Europe, la sortir du tropisme communiste en la convertissant entièrement à l’économie de marché, le projet européen l’a réalisé de fait, au mépris de l’avis de ses peuples. Ironie de l’histoire, le Royaume-Uni sort de l’Europe au moment même où celle-ci a pleinement accompli son projet !

Les bouleversements à l’échelle mondiale

Pluton dans le Capricorne et ses masques
En 2008 Pluton est entré dans le Capricorne amenant avec lui la grande crise financière dont le rôle est, jusqu’à son entrée dans le Verseau en 2023/2024, de détruire tout ce qui n’est plus conforme au nouveau paradigme du Verseau, et en l’occurrence les structures politiques, sociales et économiques, à l’échelle des nations et du monde. Nous ne sommes pas dans une période de reconstruction, mais de décomposition et de déconstruction de l’ordre ancien, pendant que le nouveau paradigme émerge lentement, encore flou et invisible. Les carrés du cycle Pluton-Uranus de 2012 à 2015 ont accéléré la décomposition, et mis à jour les véritables visages de l’oppression subie par les populations à l’échelle mondiale à travers les abus du capitalisme financier qui siphonne au profit de seulement 1% de la population, 90% des richesses mondiales. Ces inégalités phénoménales mettent en péril l’équilibre même du monde.

L’élection d’un milliardaire sans foi ni loi à la présidence du pays le plus puissant de la planète démontre par l’absurde cette situation, où les dominés inconscients donnent les clés du pouvoir à leurs spoliateurs ! De l’autre côté de l’échelle, les fous de dieux animés par leur féroce désir/haine d’Occident démontrent par l’horreur l’engrenage suicidaire dans lequel nous sommes tous entraînés. Pluton avance masqué dit-on. N’en voici pas deux masques hideux ? Le troisième masque, car il y en a toujours trois, est celui du libéralisme triomphal qui se pare des vertus du social-libéralisme défait.

Régis Debray considère que, par les élections de 2017, la France parachève son américanisation économique et culturelle. L’invitation du président-fantoche américain à la commémoration du 14 juillet 2017, est un très mauvais signal. Le politologue Bernard Guetta* utilise une métaphore boursière pour exprimer que le président Macron a fait une sorte « d’achat à la baisse » : en tendant la main à un Trump affaibli, il espère se hisser lui-même à un leadership mondial. Mais peut-on se grandir en se hissant sur du néant ?

Note : dans sa chronique de la matinale de France Inter du 29 juin 2017.

Conclusion

Un président jupitérien et un ventre mou social-libéral
Assistons-nous à un véritable renouvellement ? Au regard du changement de paradigme en cours (entrer dans le paradigme de la fraternité et du partage propre au Verseau), le renouvellement mis en œuvre par le président Macron et son mouvement « en marche !», n’est qu’un épiphénomène : au pire il n’est qu’une ultime tentative de recyclage de l’ancien (le libéralisme), au mieux il proposera un adoucissement social de ses excès et aura formé au politique une jeune génération de cadres dynamiques et plein d’avenir. Comme l’annonce naïvement un présentateur d’un journal télévisé national, à propos des travailleurs de l’usine GM&S de Haute-Vienne : « Emmanuel Macron ne leur a pas fait de fausses promesses, il leur a dit qu’il n’était pas le Père Noël et qu’il ne pouvait se substituer aux dirigeants d’entreprises ». C’est sûr que s’il faut être le père Noël pour peser dans l’économie, et faire contrepoids aux abus du capitalisme mondialisé, où est « le » politique ?
Il n’y a déjà plus d’écart entre le discours politique et celui de l’entreprise. Dans le triangle hiérarchique : Politique (au sommet), Social et Economie à la base, le social s’est déjà dissous dans l’économique, alors si le politique se dissout à son tour dans l’économique et l’entrepreneurial, c’est sûr, nous avons reconstruit l’unité, mais par le bas ! Il ne s’agit pas d’une unité intégratrice par le haut comme l’est toute unité d’ordre supérieur. Auquel cas le masque olympien de Jupiter pourrait cacher le véritable visage de Pluton, dieu souterrain des Enfers !

Observons*, soyons vigilants, et gardons notre discernement. L’histoire, elle, est véritablement en marche mais dans le sillage de tous et non de quelques-uns !

Note : Des évènements proches pourraient nous donner le véritable visage du travail de Pluton dans le Capricorne : dans le thème d’Emmanuel Macron la Lune progressée arrive d’ici l’automne sur son Pluton natal.

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Fanchon Pradalier-Roy

Le 01/07/2017.

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