Bal tragique à l’Elysée
Se peut-il que des êtres passent à côté de leur destinée ?
La dégradation du climat politique est certes due à l’usure de nos institutions, au fonctionnement oligarchique de notre République accaparée par certaines élites en collusion avec des groupes d’intérêts, comme le démontrent le foisonnement de scandales politico-financiers, mais elle est aussi liée à un fonctionnement médiatico-politique dévoyé par des conflits d’intérêt et une trop grande connivence entre les deux mondes.
Depuis le programme du Conseil National de la Résistance qui restaurait « la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances d’argent et des influences étrangères » et rénovait toute la presse d’après-guerre, la marée libérale et son cheval de Troie, la publicité, a submergé peu à peu toutes les digues morales, ne laissant dans les médias que quelques ilots d’indépendance et d’expression libre à l’intérêt du plus grand nombre. La série de scandales médiatiques autour de la vie privée du président est le symptôme éclatant que ce système est arrivé à épuisement.
Mon hypothèse d’astrologue est que ce pourrait être le signe que des êtres n’ont pas été à la hauteur de leur destin, qu’ils se sont laissés entraîner par leurs ambitions et leurs faiblesses, plutôt que d’être au rendez-vous d’une destinée collective, dans laquelle ils auraient pu jouer un rôle déterminant.
Peut-on séparer le privé du public ?
Alors que les Français ont choisi en 2012 comme président un homme prétendument normal en espérant se sortir des agitations excessives et des dérives droitières du précédent, après avoir du renoncer à un cador de l’économie mondiale, mis au pilori judiciaire pour abus sexuel , voilà que le président est rattrapé par de pitoyables secrets d’alcôve déballés sans ménagement sur la place médiatique par une ex-compagne meurtrie et vengeresse, sans doute trop cavalièrement répudiée quelques mois plus tôt. Mais que s’est-il passé pour que l’on en arrive là ?
Tout a été déjà dit sur cette situation digne d’un roman de gare avec les ingrédients de l’amour et du pouvoir. Mais si tous ont accablé la femme, peu se sont interrogés sur l’homme qui a finalement induit cette situation désastreuse : François Hollande, non pas dans son corps de président, mais dans son intimité d’homme finalement très normal, brillant représentant d’une « masculinité obsolète mais néanmoins puissante dans une France si peu transformée par le féminisme »*. Que dire en effet d’un homme qui a finalement changé de femme chaque fois qu’il a change de situation, sans jamais totalement l’assumer et l’imposer, sous prétexte de tenir séparé le public du privé ?
Car, au-delà de ses éclats médiatiques, les élucubrations de la situation amoureuse de François Hollande marquent depuis longtemps la vie politique française, beaucoup plus profondément qu’il n’y parait a priori. Rappelons-nous !
*La sociologue Marie- Hélène Bourcier, dans une tribune sur Libération numérique le 12 septembre 2014.
Une séparation déjà médiatisée
Peu après les élections présidentielles de 2007, Ségolène Royal qui venait d’être battue pas Nicolas Sarkozy fait savoir qu’elle a demandé à son ancien compagnon, François Hollande, au demeurant secrétaire du parti Socialiste, de « quitter le domicile conjugal et de vivre son histoire sentimentale de son côté ». « Cela confirme que les conflits au sein du couple ont bien pesé sur la campagne et sur la façon dont elle a été menée », souligne Ariane Chemin journaliste au Monde et co-auteur d’un ouvrage sur Ségolène Royal (La femme fatale) qui est sorti juste après les élections. L’argumentaire de l’ouvrage est saisissant* :
« Ségolène Royal a surgi dans la course à la présidentielle sans qu’on saisisse vraiment où elle puisait son ambition. Aiguillonnée par une blessure secrète, débarrassée de ses scrupules, investie d’une mission, elle a choisi de contourner le PS et François Hollande. Seuls quelques proches ont compris l’incroyable scénario qui se jouait entre le premier secrétaire et la candidate. Rares sont ceux qui ont saisi l’ampleur du défi que cette dernière, en bousculant les réflexes militants et en plaçant les «éléphants» hors jeu, imposait aux socialistes en même temps qu’à son couple. Écartelée entre son parti et sa garde rapprochée, prête à bousculer tous les dogmes pour sauver ses chances, elle entraîne malgré elle son camp vers une défaite fatale, qui signe la fin du PS de Mitterrand. »
C’est écrit par des femmes ! Elles passeront de plateau télé en plateau télé pour conter la romance de Ségolène qui se serait présentée à la présidentielle par dépit amoureux…. Comme si une femme devait être motivée par « une blessure secrète » ou un chagrin d’amour pour oser une telle ambition. On remarquera enfin le désastre annoncé comme une évidence : elle entraîne, seule, tout son camp dans la défaite ! Et si c’était son camp et surtout son compagnon qui l’avaient entraînée dans la défaite ? Imaginons l’inverse. Nous aurions entendu mille commentaires nous expliquer que le candidat avait pâti du manque de soutien évident de sa compagne, ce qui avait nui gravement à sa popularité et finalement entraîné sa défaite.
*Raphaëlle Bacqué, Ariane Chemin, « La Femme fatale », Albin Michel
Une primaire interne gagnée haut la main
Il est intéressant de revenir sur la défaite de Ségolène Royal aux élections présidentielles de 2007 et, avant cela, sur les primaires internes qu’elle a emportées en surclassant ses deux compétiteurs. Au début 2006, pas moins de sept personnalités socialistes semblent être en situation de disputer l’investiture pour les futures élections présidentielles de 2007 : Bernard Kouchner, Laurent Fabius, Lionel Jospin, Jack Lang, Dominique Strauss-Kahn, Ségolène Royal et François Hollande, alors premier secrétaire du parti. Mais les sondages nationaux donnent une très nette préférence à Ségolène Royal qui s’est démarquée en emportant brillamment la Région Poitou-Charentes aux élections régionales de 2004, avec une liste de rassemblement. Jusqu’à l’été les commentaires vont bon train, mais Ségolène Royal reste la grande favorite de la primaire interne que le PS doit mettre en place en novembre auprès de ses adhérents. En octobre ne restent que trois candidats : Laurent Fabius, Dominique Strauss-Kahn et Ségolène Royal, Jack Lang ayant rejoint cette dernière et les trois autres s’étant désistés, face aux données sans appel des sondages. Mais au sein du PS rien n’est joué, car les Strauss-Kahniens ou les Fabiusiens sont majoritaires dans bon nombre de sections.
Lors des débats, ils étaient tout dépités les deux hommes à cravate que les sondages donnaient défaits dès le premier tour. Lâchant avec gravité et condescendance leurs arguments du haut de leur compétence satisfaite de mâles occidentaux, ils paraissaient subitement incongrus et démodés, devant une femme dont la présence charismatique ouvrait d’autres horizons. Le procès en illégitimité, contenu sournoisement dans leur propos in ou off (« Qui va garder les enfants ? » lance sournoisement Laurent Fabius pour renvoyer la dame à ses foyers), renforçait ce sentiment de décalage. Finalement Ségolène Royal l’emporte amplement dès le premier tour avec plus de 60% des suffrages.
Pour comprendre la détestation et l’incompréhension dans lesquelles les autres socialistes tenaient Ségolène Royal, il nous faut passer par les Etats-Unis, et rendre grâce à WikiLeaks qui a divulgué des milliers de télégrammes diplomatiques. L’ambassade des USA à Paris a reçu les postulants pour évaluer leur projet et leurs motivations et voici ce qu’elle a dépêché à Washington : Selon Dominique Strauss-Kahn, « La popularité de Ségolène Royal en 2006 relevait d’une « hallucination collective » »*. Cela frise l’accusation en sorcellerie et détonne avec l’appréciation donnée par ce même ambassadeur de Ségolène Royal qu’il a trouvée: « à la hauteur de son image peu banale de politicienne déterminée, subtile et charismatique ». Un autre télégramme diplomatique américain est moins élogieux avec DSK et quasiment prémonitoire : « l’impression donnée est que, tout en étant peut-être le plus capable et le plus qualifié des candidats socialistes, il manque du feu sacré pour le propulser vers la victoire ».
Un parti Socialiste rajeuni et féminisé mais un front contre Ségolène
L’année 2006 avait vu un afflux de nouveaux adhérents, plus jeunes et plus féminisés qu’habituellement, grâce à une campagne d’adhésion par Internet à 20 € (au lieu de 50 €). Cette facilité d’accès sans nécessiter de contact aves les appareils a amené du sang neuf dans toutes les sections qui préparent fiévreusement les primaires. Les nouveaux adhérents ne sont pas accueillis à bras ouverts, car ils bouleversent la donne, n’entrant dans aucune écurie antérieure, la plupart viennent grossir les rangs des soutiens à Ségolène Royal. On les appelle les « Ségolâtres » et on les considère comme des adhérents de seconde zone, des militants au rabais dépourvus de culture politique, n’ayant aucune légitimité à intervenir dans les débats.
Il semble bien, en effet, qu’à ce moment-là, dans un souci de contourner l’appareil et de participer activement à l’opportunité de renouveau qu’ouvraient les élections présidentielles, de nombreuses personnes aient profité de cette facilité d’adhésion pour participer aux primaires socialistes et imposer leur préférence. Il y avait bien sûr des sympathisants du mouvement Désir d’Avenir lancé en 2005 pour soutenir les actions de Ségolène Royal en marge du PS, mais pas seulement… une sorte de vague spontanée de soutien à cette femme qui leur semblait porteuse de renouveau s’est levée à ce moment-là. Après la défaite de celle-ci à la présidentielle puis aux élections de première secrétaire du Parti, en novembre 2008, au congrès de Reims entaché de fraudes, où tous se sont ligués contre Ségolène, ces nouveaux adhérents, dégouttés de n’avoir pu venir à bout des conflits d’apparatchiks, ont fini par déserter le PS. Avouons qu’un sacre à Reims pour la « Royal » aurait eu de l’allure ! Mais le front de « tout sauf Ségolène » a gagné au PS en lui opposant une autre femme, Martine Aubry, et en osant de misérables tripatouillages électoraux.
Vous avez aimé Ségolène ? Vous allez adorer Martine ! L’ancien premier secrétaire lui-même, l’ex de Madame Royal, entérine le résultat à quelques voix près de ces élections manifestement truquées… un coup de chance pour lui, après la défaite de 2007. Bien que vide, un boulevard s’ouvre à sa propre ambition présidentielle, qu’il va arpenter avec sa nouvelle compagne et certainement conseillère en communication, puisque journaliste politique à Paris-Match.
Paris-Match en a rêvé, Valérie T. l’a fait !
En 2009 une émission de télévision coproduite avec Paris-Match et diffusée sur France 5 célèbre les 60 ans du célèbre magazine. Un jeune reporter de la rédaction au temps des années soixante/soixante-dix lâche qu’avait été dépêchée une très jeune et jolie journaliste-stagiaire auprès du Prince Charles alors célibataire, rêvant qu’elle réussirait à le séduire et qu’ainsi Paris-Match disposerait d’une reine à Buckingham.
Valérie T. n’a-t-elle pas finalement exaucé le vœu de son magazine ? A défaut d’une reine, Paris Match a finalement disposé d’une première dame à l’Elysée, une première dame rêvée tant elle défraye la chronique médiatique après l’avoir elle-même suivie pour son journal. Valérie T. fut recrutée très jeune à Paris Match au service politique, repérée comme « la plus jolie journaliste de Paris » (selon les dires de DSK, un connaisseur !), son rôle est finalement de suivre le Parti socialiste pour lequel elle avait le plus tendre attachement, en la personne de son premier secrétaire, François Hollande.
Pour Paris Match, c’est elle qui co-signe, déjà en 1991, l’interview illustré de Ségolène Royal en jeune ministre accouchée ; c’est elle qui a suivi la catastrophique présidentielle de Jospin en 2002. C’est elle qui a joué un rôle certain dans la Une du magazine, en 2005, mettant en scène Hollande et Sarkozy en défenseurs du « oui » au référendum sur le traité constitutionnel européen (photo qui se voulait prémonitoire d’un futur duel à la présidentielle de 2007, mais qui était finalement piteusement prémonitoire de l’égal mépris dans lequel ils ont tenu le majoritaire « non » des Français). C’est elle encore qui signe, entre 2004 et 2006 d’élogieux portraits de François Hollande, en probable futur candidat « normal » du PS. Mais lorsque Ségolène se trouve investie, la dame ne suit plus le Parti Socialiste.
Une femme peut-elle devenir présidente malgré sa « bravitude » ?
Jusqu’à janvier 2007 Ségolène Royal était donnée gagnante aux présidentielles. Puis Nicolas Sarkozy est entré en campagne dans une mise en scène tonitruante et un discours remarqué, de sa plume Henri Gaino, qui convoquait les plus belles consciences de la République habituellement revendiquées par la Gauche, de Jaurès à Georges Mandel, martyr de la Résistance, et dès lors les sondages se sont inversés… Attirés par les lumières et les pompes du barnum de campagne du candidat, qui fournissait clé en main toutes les images prises sous le meilleur angle et soigneusement triées, les journalistes se sont mis au diapason des sondages et se sont acharnés contre Ségolène Royal, ne cessant de relever de soi-disant bourdes d’expression, alors que le candidat usait d’un langage si peu châtié. Une nouvelle étoile médiatique était née ! Des instituts de sondages sortaient à volonté des résultats aux moments cruciaux, modelant l’opinion sans aucun recul ni regard critique comme après le fameux débat télévisé d’avant premier tour. Alors que des commentateurs avaient trouvé à chaud la candidate meilleure que son compétiteur, des sondages ont surgi opportunément dans la nuit pour claironner dès le matin que Sarkozy sortait vainqueur du débat dans l’opinion, et toute la meute médiatique a repris en chœur.
« Le problème de Ségolène c’est son compagnon » avait lâché son porte-parole Arnaud Montebourg, devant les rires entendu des journalistes qui n’ont même pas pris la peine de traduire ni de commenter pour leurs auditeurs. Pourtant tous étaient au courant des dysfonctionnements de la campagne de la candidate si peu soutenue par son parti et son premier secrétaire de compagnon. Tout ce que le parti comportait d’éléphants attendait son échec, et se réservait pour le coup d’après. Michel Rocard, ancien premier ministre, s’était même fendu d’une visite à la candidate, lui proposant de la remplacer au pied levé pour éviter la catastrophe qu’il prévoyait. Pourquoi les journalistes d’habitude si enclins à divulguer des rumeurs ont-ils mis un voile pudique sur cette situation paradoxale qui aurait pu éclairer l’opinion et apporter un élan de sympathie et de soutien à la candidate ? Par machisme ils ont instruit son procès en incompétence, ils se sont détournés de la femme seule et non « maquée », si rétive aux codes médiatiques habituels (elle ne se permettait aucune critique ou jugement qui tiraient vers le bas) la ridiculisant parce qu’elle faisait chanter la Marseillaise et honorer le drapeau, ou, entre les deux tours, parce qu’elle aurait attendu vainement en bas de chez lui un entretien avec François Bayrou, le troisième homme, telle une amoureuse délaissée. Ils sont allés au secours de la victoire annoncée du camp adverse, choisi et soutenu par les groupes médiatiques dominants. S’il est vrai que cette campagne a été financée par des fonds libyens, dépassant le plafond autorisé, on comprend la disproportion des moyens entre les deux candidats, que nul n’a jamais soulignée. Certaines maladresses supposées de la candidate, tellement montées en épingle, sont-elles dues à un défaut de maîtrise d’elle-même ou des images de sa campagne, contrairement à con compétiteur ?
Remarquons, pour finir, que la plupart des postulants à la présidentielle qui avaient échoué une première, voire une deuxième fois, comme Mitterrand ou Chirac, sont devenus des candidats naturels de l’élection suivante. Mais ce ne fut pas le cas pour Jospin, qui s’était désisté de lui-même après l’échec brutal du 21 avril 2002, et non plus pour Ségolène Royal. Si DSK avait été en position aux primaires de 2011, il aurait sans doute été désigné, en bon mâle occidental, ancien responsable de l’Olympe économique mondiale. Le candidat de gauche désigné fut Hollande, par défaut, suite au burn out sexuel de DSK, mais aussi par défaut de son ancienne compagne, qui n’avait pas réussi au coup d’avant et qu’on n’imaginait point en mesure de gagner la deuxième fois.
Les journalistes, laquais ou faiseurs de roi ?
Un reportage de la télévision suisse de juin 2009, intitulé « Sarkozy vampire des médias » qui n’a jamais été repris ni diffusé sur les chaines françaises, montre cette image terrible d’un candidat à cheval suivi par une meute de journalistes embarqués sur une charrette tirée par un tracteur ! Sur nos chaînes nous n’avions vu que l’homme paradant fièrement en Camargue dans un décor de carte postale. Tout est dit sur ce journalisme de révérence plutôt que d’investigation, selon les termes de Laurent Joffrin ! Pire, ce journalisme-là n’est-il pas que du simple publi-reportage, emballé et préparé par de puissants intérêts financiers ?
Un vrai couple politique qui est passé à côté de son destin ?
Les liaisons fréquentes entre un homme politique et une journaliste (on remarquera que c’est rarement l’inverse !) mettent en lumière les liens intimes qu’entretiennent les deux mondes, qui se côtoient avec tellement de fréquence et de proximité qu’inévitablement des couples se forment. Un jeu d’attraction, de fascination et de répulsion, de miroir et de séduction est à l’œuvre et s’empare des acteurs, les entraînant dans une sorte d’emballement qui les dépasse. Les péripéties médiatico-amoureuses de notre président, montrent que le processus de dégradation de ces relations incestueuses est arrivé à son terme. «Le roi est nu » s’exclament les journalistes faisant mine d’ignorer que c’est eux qui l’ont déshabillé !
On pourrait dire que les motivations des deux acteurs qui ont fait les ressorts intimes de leurs relations amoureuses ont finalement explosé au grand jour. Nous avons assisté à un véritable drame racinien ou shakespearien… Les protagonistes sont au cœur du pouvoir et se trahissent. Quel est ce destin qui a conduit une journaliste qui suivait les candidats à la présidentielle à entrer au bras de l’un deux à l’Elysée ? Destin individuel ou cristallisation d’un dessein imaginaire collectif ? Quel est ce destin individuel ou collectif qui a conduit les deux membres d’un couple à se porter successivement candidats à l’Elysée ?* La femme s’est trouvée en situation la première, et son compagnon ne l’a pas soutenue. Est-ce parce qu’il ne l’aimait plus ou qu’il aimait ailleurs, ou parce qu’ils étaient en conflit d’ambition ? Ceci ayant peut-être entraîné cela ? Cela aurait pourtant eu de l’allure et signifié une belle maturité dans la conscience individuelle des protagonistes et dans la conscience collective française qu’un homme soutienne sa compagne dans la course à la présidentielle… mais c’était prématuré, peut-être pour le peuple, sans doute surtout pour les médias : on préfère encore, à l’américaine, une première dame jouant le second rôle en Dior à une figure de Marianne, véritable première dame pour le coup, guidant le peuple avec le drapeau de la République : cela doit rester allégorique et ne point s’incarner ! Mieux vaut un homme qui trompe et trahit très normalement sa compagne à une femme seule et exaltée qui nous mènera Dieu sait où !
On sait un peu mieux maintenant où tout cela nous a menés… La France a été « un pays psychiquement occupé »** pendant cinq ans par un président tellement fou de lui-même et du pouvoir qu’il s’exposait à l’envi et tentait de se maintenir à n’importe quel prix (et qui tente maintenant de revenir !) ; puis trompé par un homme qui est arrivé par défaut (après l’échec précédent de sa compagne et la défaillance d’un autre postulant), si banal et si normal qu’il s’est mis à collaborer avec les puissances qu’il avait dénoncées pour se faire élire, et avec un tel souci du consensus que pour ne fâcher personne il a fini par trahir tout le monde : sa première puis sa deuxième compagne (peut-être aussi la troisième) et dans la foulée tous les Français qui ont voté pour lui ! Nous croyons assister à un mauvais drame, mais nous avons en réalité tous les ressorts d’un mythe moderne en construction, comme cela se passe dans les périodes exceptionnelles de l’histoire où toutes les valeurs se délitent parce qu’un nouveau paradigme est émergeant et que les individus en situation n’arrivent pas à se hisser à la hauteur du dessein collectif escompté.
*Une approche karmique/dharmique dévoilerait un projet de couple, sans doute avorté pour le coup. Cf. mon ouvrage « Le karma dévoilé ».
**Selon les termes d’Agnès Antoine, philosophe et psychanalyste, dans les colonnes de la rubrique Rebond de Libération, le 16 avril 2012 : http://www.liberation.fr/politiques/2012/04/16/la-france-un-pays-psychiquement-occupe_812094
Le 14/10/2014.